Enquête pour harcèlement : pourquoi et comment impliquer les élus du CSE ?

Publié dans le cadre de la semaine de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT), placée cette année sous le signe du « dialogue social pour une meilleure qualité de vie professionnelle« , cet article insiste sur l’importance d’un dialogue social de qualité, aussi bien en amont dans une démarche de prévention de la QVCT, qu’en situation de crise. Cet article met en lumière un moment clé du traitement du harcèlement moral et/ou sexuel au travail : l’enquête interne en cas de signalement, et le rôle que peut jouer le CSE dans cette dernière.
De plus en plus d’entreprises ont désormais le réflexe de déclencher une telle enquête à la suite à un signalement, conformément à leur obligation de sécurité. Pourtant, dans un certain nombre de situations, cette démarche est conduite sans associer les élus du personnel. Or, leur rôle en matière de santé, sécurité et conditions de travail légitime leur implication. C’est en conjuguant les expertises et les responsabilités à la fois du CSE et de l’employeur qu’une enquête contribue à un environnement de travail plus sûr et par là, une meilleure qualité de vie au travail.
Pourquoi impliquer le CSE ?
Sur le plan juridique, la participation des élus du CSE à une enquête interne n’est obligatoire que dans certains cas précis définis par le Code du travail, notamment lorsqu’un des membres du CSE active son droit d’alerte pour atteinte aux droits des personnes (article L.2312-59) ou pour danger grave et imminent (article L.4132-2). Dans ces cas de figure, une enquête conjointe associant un représentant de l’employeur et un représentant du CSE doit être menée. En dehors de ces situations, l’employeur peut choisir de conduire l’enquête seul.
La présence conjointe du CSE et de l’employeur notamment dans le binôme d’enquêteurs évite la suspicion d’une enquête qui aurait été conduite à charge ou à décharge, renforçant ainsi le sentiment de confiance des personnes impliquées et auditionnées.
Par ailleurs, il est à noter que la qualité d’une enquête paritaire est de fait mieux reconnue par les juridictions.
Comment impliquer le CSE ?
- Communiquer globalement autour du rôle du CSE
Tout comme l’employeur, le CSE doit donc être visible et reconnu par les salariés comme un interlocuteur de confiance capable de recevoir les signalements. Pour cela, il peut :
- Communiquer largement sur ses missions et prérogatives dans la lutte contre le harcèlement,
- Mettre en place des actions de sensibilisation,
- Diffuser les coordonnées du ou des référents harcèlement du CSE, en rappelant le principe de confidentialité assuré par le référent.
De plus, grâce à ses missions de santé, sécurité et conditions de travail, le CSE peut mener des inspections régulières pour détecter les situations de harcèlement.
- Coconstruire avec l’employeur une procédure de signalement et de traitement des situations
Les modalités pour signaler et traiter une situation de harcèlement présumée doivent être définies à l’avance à travers une procédure (en vertu de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail). Ce document gagne à être établi en concertation entre la direction et le CSE. De cette manière, en cas de signalement, les règles et les rôles de chacun sont clairs, ce qui facilite une réaction rapide et sereine pour tous.
Il convient donc de s’assurer que, dans les dispositifs internes de signalement et de traitement, le CSE soit clairement identifié comme destinataire et acteur légitime.
Cependant, l’implication des parties prenantes doit toujours être pensée au regard de la confidentialité, qui est un des principes phrases d’une enquête. En effet, de la même façon que l’employeur limite le nombre de personnes informées et impliquées dans une enquête, seul un ou quelques membres du CSE y seront associés, afin de garantir le respect du principe de confidentialité.
Pour conduire les entretiens et mener l’enquête en respectant des principes qui garantissent la confidentialité et l’objectivité, il est nécessaire que les enquêteurs (côté CSE et direction) aient été formés en amont sur la déontologie de l’enquête.
- Les recours du CSE en cas de dialogue social bloqué
Un dialogue social de qualité reste la voie la plus efficace pour traiter les situations sensibles de manière concertée et constructive.
Toutefois, en cas de relations sociales tendues, le CSE peut faire valoir l’un de ses droits d’alerte (atteinte aux droits des personnes ou danger grave et imminent), qui contraignent l’employeur à lancer immédiatement une enquête conjointe. En cas de désaccord persistant, le CSE est réuni en urgence (Code du travail, Article L4132-2). À défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du comité social et économique sur les mesures à prendre, l’inspecteur du travail est saisi (Article L4132-3).
- Articuler la participation du CSE à une enquête avec ses autres missions
La participation du CSE à l’enquête ne doit pas être un simple formalisme. Elle doit s’inscrire dans une démarche globale de prévention et d’amélioration des conditions de travail :
- Le CSE veille à ce que les résultats de l’enquête soient suivis par des mesures correctives concrètes,
- Il contribue à la mise à jour du document unique de prévention des risques (DUERP),
- Il organise des actions de prévention et de sensibilisation adaptées. En effet « le CSE peut susciter toute initiative et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, harcèlement sexuel et agissements sexistes. » (Code du travail, Article L2312-9, 3e alinéa)
- Dans les cas graves, il peut demander une expertise spécialisée en risques psychosociaux (Code du Travail, Article L2315-94),
- Enfin, le CSE reste attentif aux indicateurs indirects, comme l’absentéisme, qui peuvent révéler des situations de harcèlement non déclarées.
Conclusion
Le CSE est un acteur indispensable pour garantir la qualité et la légitimité des enquêtes internes sur le harcèlement. Son implication assure un traitement équilibré des situations et une prévention renforcée. En s’appuyant sur ses droits, ses devoirs et ses compétences, le CSE peut s’imposer comme un pilier incontournable de la lutte contre le harcèlement en entreprise.
Un dialogue social constructif et continu, y compris en période de crise, reste essentiel pour garantir une qualité de vie au travail durable.
Article rédigée par Emilie Fréchet, consultante confirmée chez Equilibres by Telus Health.
