Égalité femmes-hommes et QVCT : le CSE au cœur du dialogue social

À l’occasion de la Semaine de la QVCT 2025, placée sous le signe du dialogue social comme levier central de transformation des conditions de travail, EQUILIBRES vous propose un éclairage sur le rôle essentiel du CSE dans la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Dans un contexte où les inégalités persistent au travail – notamment en termes de rémunérations, d’accès aux responsabilités ou encore dans la conciliation des temps de vie- le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle clé pour faire progresser l’égalité au sein des entreprises, à travers le dialogue social et une action concrète sur le terrain.
Les prérogatives du CSE incluent des consultations et des négociations récurrentes, où l’égalité constitue un thème obligatoire.. Plus récemment, les obligations liées à l’Index égalité ou à la négociation d’ accords égalité dans les entreprises de plus de 50 salarié·es renforcent les responsabilités partagées entre employeurs et représentants du personnel.
Pensé pour s’adapter au temps contraint du mandat d’élu·e aux multiples casquettes, cet article vise à identifier des leviers concrets et des bonnes pratiques pour faire du dialogue social un moteur d’égalité, de diversité et de qualité de vie au travail.
Rapide panorama de l’égalité et du dialogue social à travers les prérogatives du CSE
Un important corpus législatif a consacré le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes comme une obligation pour les entreprises[1]. Mais plusieurs évolutions récentes sont venues renforcer ce cadre, en impliquant directement les représentants du personnel. Parmi les principales obligations :
- La négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) dans les entreprises de plus de 50 salarié·es ;
- La consultation régulière du CSE sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, incluant l’égalité femmes-hommes ;
- La mise en place de l’Index de l’égalité professionnelle depuis 2019, obligatoire pour les entreprises d’au moins 50 salarié·es. En cas de score inférieur à 75/100, des mesures correctives sont obligatoires, sous peine de sanctions financières au bout de trois ans sans progrès.
- La publication d’un plan d’action (ou accord collectif) sur l’égalité professionnelle, intégrant des mesures de prévention et/ou de correction.
Le CSE peut ainsi jouer un rôle d’impulsion et de vigilance au sein de son entreprise sur les enjeux d’égalité femmes-hommes, en identifiant les écarts de situation ou de rémunération, en interpellant voire en alertant l’employeur, et en contribuant à la construction d’accords en matière d’égalité.
[1] Loi Roudy en 1983 avec le rapport de situation comparée (RSC), loi Génisson en 2001 avec l’obligation de négocier sur l’égalité professionnelle, loi sur l’égalité réelle en 2014 avec l’obligation d’aborder l’égalité salariale dans les négociations annuelles obligatoires (NAO), loi Rebsamen en 2015 qui intègre le RSC à la BDESE, ordonnances Macron en 2017 qui allonge la durée des accords à 4 ans, Index égalité en 2018, loi Rixain sur la féminisation des instances dirigeantes en 2021…
Quels leviers le CSE peut-il actionner au sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes ?
Le CSE peut mobiliser plusieurs leviers concrets pour agir en faveur de l’égalité :
- Travail et analyse des données sociales : à travers la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE), le CSE peut analyser les indicateurs sexués sur les rémunérations, les promotions, la pratique du temps partiel dans l’entreprise, etc. L’employeur (de 50 salariés et plus) doit mettre à disposition des représentants du personnels cette base de données, qui centralise les informations nécessaires aux différentes consultations du CSE. La BDESE doit être régulièrement mise à jour.
- Appui à la négociation d’un accord ou à la rédaction du plan d’action, en mettant en avant les besoins spécifiques identifiés dans l’entreprise. Trop souvent, les accords sont perçus a posteriori comme peu engageants, insuffisamment ambitieux, voire comme de simples « coquilles vides », car rédigés dans l’urgence, principalement pour répondre à des contraintes de délai. Pour éviter cet écueil, il est essentiel que l’accord ou le plan d’action soit élaboré sur mesure, en tenant compte des spécificités et réalités de l’entreprise, afin qu’il soit réellement adapté et porté par ses acteurs. Une phase d’état des lieux est une étape clé pour préparer la négociation d’un accord, pour comprendre et évaluer précisément la situation en matière d’égalité femmes-hommes au sein de l’entreprise.
- Participation à des groupes de travail paritaires ou à des commissions spécifiques (comme la commission égalité dans les CSE de plus de 300 salarié·es).
- Faire vivre le sujet de l’égalité femmes-hommes au sein de l’entreprise en développant des actions de sensibilisation ciblées et en participant à la mobilisation interne. Ces actions de sensibilisation peuvent être co-construites avec l’employeur pour créer une dynamique collective durable et favoriser ainsi le dialogue social sur l’égalité.
- Nommer et former des référent.es en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes : il s’agit d’une obligation depuis 2019 pour tous les CSE, quelle que soit la taille de l’entreprise. La prévention et le traitement des violences sexistes et sexuelles est au cœur des politiques d’égalité professionnelle, visant à garantir à l’ensemble des salarié∙es un environnement de travail respectueux et équitable. Un∙e référent∙e est élu parmi les membres du CSE et a pour mission d’écouter, d’informer, d’orienter et d’accompagner les salarié∙es confrontés à des comportements inappropriés au sein de l’entreprise. Un∙e référent∙e est également désigné côté employeur, dans les entreprises d’au moins 250 salarié∙es. Pour un traitement efficace des signalements, une coopération étroite entre les référent·es CSE et employeur est essentielle. En connaissant clairement leurs rôles, ils peuvent assurer une réponse coordonnée et adaptée aux situations de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes, tout en renforçant la prévention.
Les leviers évoqués ci-dessus ne sont pas exhaustifs et ne couvrent pas l’ensemble des possibilités d’action en matière d’égalité. Ils doivent être enrichis et adaptés en fonction du contexte spécifique et des priorités de chaque entreprise.
Egalité femmes-hommes : quelques bonnes pratiques à promouvoir pour faire vivre le dialogue social
Pour que le dialogue social produise de véritables avancées sur l’égalité, certaines bonnes pratiques peuvent faire la différence.
- Former l’ensemble des élu·es du CSE aux enjeux d’égalité et à la lecture des indicateurs. Disposer d’une connaissance approfondie sur les enjeux de l’égalité permet aux élu∙es de jouer pleinement leur rôle à la fois de vigilance et d’impulsion sur ces sujets, en s’appuyant sur des données concrètes pour orienter leurs actions et dialoguer efficacement avec la direction.
- Recueillir les perceptions des salarié∙es pour identifier les freins et les attentes sur les sujets d’égalité (baromètre interne, boite à idées, etc.), quel que soit le budget alloué à cette dimension. Construire une politique égalité efficace commence par l’écoute des salarié·es et de leur vécu. La mise en place d’outils participatifs favorise l’expression du plus grand monde, y compris de certaines populations (métiers, statuts, etc) parfois moins visibles. Ces outils fournissent ensuite un matériau riche pour cibler les actions à mener. A noter que le travail de recueil des perceptions peut être réalisé quels que soient les moyens financiers disponibles, grâce à des solutions adaptées allant d’enquêtes en ligne à des entretiens, ou des échanges informels. Si le format, la nature et la robustesse des données recueillies peuvent alors différer, ce travail de recueil permet néanmoins de construire une démarche cohérente avec la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise.
- Créer des espaces de discussion pour avoir une vision englobante de l’égalité en intégrant des réflexions sur la parentalité, la diversité, les discriminations. Cela peut se faire à travers la constitution de groupe de travail notamment.
- Co-construire une politique égalité avec la direction RH / RSE et les élu·es pour porter de manière ambitieuse et adaptée ces sujets. Cela favorise également l’appropriation collective des actions menées et surtout que celles-ci se pérennisent et s’inscrivent sur le temps long de l’entreprise.
- Assurer le suivi dans le temps, avec des bilans réguliers en CSE et des indicateurs de progrès partagés. La réussite d’une politique d’égalité repose sur un pilotage rigoureux et un suivi continu. La tenue de bilans réguliers lors des réunions du CSE permet de faire un point sur les avancées, de réajuster les actions et de maintenir la mobilisation
Une fois ces bonnes pratiques mentionnées, reste une question centrale : comment s’engager concrètement et faire vivre le sujet de l’égalité, dans un contexte où les élu·es, aux multiples casquettes, disposent d’un temps limité ?
L’égalité professionnelle : avancer malgré le manque de temps
Parler d’égalité professionnelle pour les élu·es du CSE, c’est souvent se heurter à une réalité bien connue : celle d’un mandat aux multiples casquettes. Entre les consultations économiques, les alertes sur les conditions de travail, les réorganisations, les demandes des salarié·es, et les urgences quotidiennes, difficile de dégager du temps pour un sujet qui peut parfois être perçu comme moins prioritaire.
Et pourtant, l’égalité femmes-hommes traverse tous les enjeux de l’entreprise : salaires, carrières, santé, charge mentale, discriminations, climat de travail… Il ne s’agit donc pas d’ajouter une mission, mais bien de changer de regard sur celles qui existent déjà.
Voici quelques leviers très concrets pour intégrer progressivement l’égalité dans la vie du CSE :
- Nommer un·e ou plusieurs référent·es égalité
Désigner un binôme ou un petit groupe au sein du CSE, identifié comme “vigie égalité”. Ces personnes pourront ainsi :
- Suivre les données sur la BDESE,
- Relayer les remontées de terrain liées aux inégalités ou au sexisme,
- Être force de proposition dans les négociations ou les consultations.
Idéalement, ces référent·es s’engagent pour toute la durée d’un mandat, pour pouvoir analyser les évolutions sur plusieurs années et non de manière ponctuelle. Cela permet de faire émerger des tendances structurelles (écarts persistants de salaire, biais sur la promotion, impact différencié des réorganisations…).
2. Renforcer les compétences internes sur la lecture des indicateurs
L’égalité ne se mesure pas uniquement à travers l’index égalité. S’il s’agit d’un outil utile pour une première prise de conscience sur des écarts potentiels, il présente des limites mises en lumière notamment par le Haut Conseil à l’égalité dans son rapport de 2024[1]. Il est essentiel que les élu·es (et a minima les référent·es égalité) soient formé·es à :
- La lecture croisée des indicateurs (temps partiel, formation, absences, mobilités…),
- L’analyse genrée des données de la BDESE,
- Mais également la compréhension de ce que les chiffres ne disent pas (absence d’indicateurs genrés, données non fiables…).
Par exemple, l’indicateur « retour de congé maternité » de l’Index égalité, noté sur 15 points, donne souvent de bons résultats aux entreprises : il mesure le pourcentage de salariées augmentées à leur retour. Facile à piloter, il ne dit pourtant rien du parcours de ces femmes deux ou trois ans plus tard. Reprennent-elles leur rythme de carrière ? Bénéficient-elles des mêmes opportunités d’évolution ? Dans les faits, c’est rarement le cas[2].
3. Identifier les moments-clés de bascule dans les inégalités au sein des carrières des salarié∙es
Les inégalités ne surgissent pas par hasard, elles apparaissent à certains moments-clés du parcours professionnel. En tant qu’élu·es, une attention particulière peut être portée à ces étapes et les cibler pour agir efficacement :
- L’arrivée d’un enfant ou les retours de congé maternité/paternité,
- Les décisions de promotion ou d’augmentation,
- Les mobilités internes ou les changements de poste,
- Les affectations horaires, notamment à temps partiel ou en horaires atypiques.
Exemple : Faire remonter ces sujets en réunion CSE pour mieux les documenter et y répondre.
4. Travailler de manière conjointe avec les référent·es harcèlement sexuel et agissements sexistes
Les inégalités ne sont pas toujours visibles, mais elles s’enracinent souvent dans un terreau sexiste ou discriminatoire. Il est donc pertinent de :
- Créer des passerelles entre les travaux des élu·es CSE et les référent·es harcèlement sexuel et agissements sexistes (qu’ils soient du côté CSE et / ou employeur)
- Mettre en commun les signaux faibles (propos déplacés, manque de reconnaissance, discriminations subtiles…).
Cela implique concrètement de créer des communautés de référent·es internes, d’instaurer des boucles et espaces réguliers de partage d’informations, de définir une procédure claire où chacun connaît son rôle, ainsi que de mettre en place un reporting régulier pour rester informé.
5. Favoriser une approche non culpabilisante
Soulever l’existence de certains écarts ou de biais ne vise pas à pointer du doigt les responsables, mais à comprendre et agir. Beaucoup d’inégalités sont historiques, structurelles, intégrées inconsciemment dans les pratiques. Proposer des temps d’échange ou de sensibilisation permet d’ouvrir un dialogue serein, sans reproche ni défense systématique.
6. “Chausser les lunettes du genre” : adopter le gender mainstreaming
Adopter une démarche de gender mainstreaming, c’est intégrer de manière systématique la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’analyse de toutes les politiques, décisions et pratiques de l’entreprise — y compris celles qui, à première vue, ne semblent pas liées à cette question.
Il s’agit, par exemple, de se demander si :
- Le dispositif de télétravail proposé prend-il en compte les contraintes spécifiques qui peuvent peser différemment sur les femmes et les hommes ?
- Le plan de formation bénéficie-t-il équitablement à l’ensemble des salarié∙es, sans reproduire des inégalités dans l’accès par exemple ?
- La communication interne lancée par l’entreprise représente-t-elle des femmes et des hommes ?
Ce réflexe d’analyse genrée, lorsqu’il est partagé par l’ensemble des parties prenantes, devient un levier puissant du dialogue social. Il va renforcer la pertinence des actions, leur crédibilité et le sentiment d’inclusion.
À l’heure où les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes continuent de peser sur l’engagement, la rétention des salarié·es et la qualité de vie au travail, il est plus que jamais indispensable de faire de l’égalité professionnelle un pilier stratégique du dialogue social. Le CSE, en tant qu’acteur clé, dispose de réelles marges de manœuvre pour faire évoluer les pratiques et impulser une transformation durable de la culture d’entreprise.
Intégrer l’égalité au cœur du dialogue social, c’est non seulement agir pour plus de justice sociale, mais aussi renforcer la prévention des risques professionnels, tout en répondant aux exigences sociales, réglementaires et humaines. Avec l’arrivée prochaine de la Directive européenne sur la transparence salariale, dont la transposition en France est prévue d’ici 2026, de nouveaux défis apparaissent, notamment en matière d’analyse fine des écarts de rémunération.
Employeurs et représentant·es du personnel sont ainsi invités à renforcer leurs compétences pour accompagner ces changements. S’informer et se former dès maintenant permettra d’anticiper ces transformations avec confiance et d’agir efficacement pour promouvoir une égalité concrète et durable.
La Semaine de la QVCT 2025 est une opportunité idéale pour engager cette dynamique, renforcer le dialogue social et placer l’égalité femmes-hommes au cœur de la qualité de vie et des conditions de travail.
Article rédigé par Laure Squarcioni, manager

[1] https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/egalite-professionnelle/actualites/article/salaires-5-ans-apres-l-index-toujours-pas-d-egalite
[2] INSEE, Après la naissance d’un enfant, les conditions de travail diffèrent entre les pères et les mères, juin 2022.