Diversité en entreprise : l’exemple américain menace-t-il vraiment l’Europe ?

Alors que les États-Unis amorcent un virage radical sur la diversité en entreprise, l’Europe, et notamment la France, maintient son cap. Mais ce choix est-il une force ou un risque pour la compétitivité des entreprises ?

En signant quelques jours après son retour à la Maison-Blanche un décret supprimant les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) au sein de l’administration fédérale américaine, Donald Trump défend la vision que la diversité dans l’administration, et par extension en entreprise, serait une entrave au mérite, voire une forme de « discrimination inversée ». Pourtant, de nombreuses études montrent que la diversité est un facteur clair de performance économique. Une étude de McKinsey1, publiée en 2020, révèle notamment que les entreprises ayant une diversité ethnique et culturelle élevée au sein de leurs équipes de direction sont 36 % plus susceptibles de surpasser leurs concurrents en termes de rentabilité.

L’exemple français

À l’inverse des États-Unis, en France, les politiques de diversité et d’inclusion sont loin d’être perçues comme une contrainte par les entreprises. Qu’il s’agisse de groupes du CAC 40 ou de start-ups, le sujet continue de gagner en importance dans les organisations. Selon une enquête réalisée par Workday2 en 2024, 78 % des répondants affirmaient que l’importance de la DEI avait augmenté au cours des 12 derniers mois. Certains secteurs en font même un argument d’attractivité. Dans les nouvelles technologies, où la concurrence pour recruter des talents est forte, les politiques de DEI permettent d’attirer des profils variés et de mieux refléter la diversité des consommateurs. D’autres industries, comme la finance et le conseil, misent sur l’inclusion pour répondre aux exigences croissantes des investisseurs et des régulateurs. En effet, la finance durable et la responsabilité sociétale des entreprises
(RSE) prennent une place prépondérante, et la diversité y est de plus en plus vue comme un critère de performance à part entière.

De l’engagement à l’action

Face aux vents contraires soufflant des États-Unis, il est rassurant de voir que certaines entreprises françaises, comme Sodexo avec le mouvement « Elan« , ont récemment réaffirmé leur engagement en faveur de l’inclusion. Pour ces entreprises, l’enjeu est souvent double : mieux refléter la diversité de la société tout en contribuant à soutenir la croissance de l’entreprise. Cependant, pour que ces engagements portent réellement leurs fruits, il est essentiel de passer des intentions aux actes. Les entreprises doivent intégrer les politiques de DEI dans leurs plans stratégiques, fixer des objectifs mesurables et publier des indicateurs de performance clairs. Un suivi rigoureux permettrait d’éviter
l’écueil du « diversity washing« , où les initiatives se limitent à des discours sans impact concret sur l’organisation.

Par ailleurs, la France dispose d’un cadre législatif qui encourage la diversité en entreprise. Des dispositifs comme l’index d’égalité professionnelle ou la loi Pacte incitent les entreprises à prendre en compte la diversité et l’inclusion dans leur gouvernance. Ces mécanismes, s’ils sont bien appliqués, pourraient renforcer l’avance européenne face à un repli américain.

Un avantage compétitif à ne pas négliger

Le repli américain sur ces questions pourrait, à moyen terme, creuser un fossé avec d’autres économies qui considèrent la diversité comme un atout. Une étude du cabinet BCG a ainsi montré que les entreprises qui disposent d’équipes diversifiées sont 19 % plus innovantes que celles qui ne le sont pas. Dans un
monde de plus en plus tourné vers l’intelligence artificielle et la transformation numérique, ignorer la diversité reviendrait à se priver d’une richesse de points de vue essentielle à l’innovation.

L’Europe, et en particulier la France, a l’opportunité de démontrer qu’un modèle où inclusion et excellence vont de pair n’est pas seulement souhaitable, mais aussi plus performant. En poursuivant sur cette voie, les entreprises françaises pourraient bien transformer ce choix sociétal en avantage concurrentiel durable sur la scène économique mondiale.

  1. https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/
  2. https://blog.workday.com/fr-fr/workday-dei-landscape-report-business-leaders-remain-committed-2024.html

Rubrique dirigée par Aurélie Judlin, Directrice Générale d’Equilibres, pour la revue RH&M